Mon bel Augereau,
Comme le général avait su nous toucher ; comme le colonel nous avait mis les larmes dans les yeux en racontant l’histoire du régiment qu’il avait l’honneur de commander : « Bretagne », qui compte la Tour d’Auvergne parmi ses gloires. Combien étaient beaux ces admirables chants de guerre joués et chantés à la perfection par la musique du 64° qui est (me pardonnent les autres) une des meilleures de l’armée. Combien nous avons applaudi les chants de marche, les sonneries héroïques d’Austerlitz, le salut au drapeau avant d’aller visiter ce Musée de l’Armée, ces cryptes imposantes qu’un soleil d’or illumine à la chute du jour, et où repose l’Empereur.
Je pense à tout cela lorsque vous me parlez du drapeau de votre régiment, ce chiffon émouvant, ce symbole d’héroïsme, ce morceau de patrie sur lequel vous veillez férocement – et dont je suis un peu jalouse. Je pense aussi à l’obstination de Mademoiselle Julien qui refusa de vendre un lopin de terres qu’elle possédait sur la colline de Saint Cucuphat et d’où elle pouvait voir tous les ébats de la Malmaison. Les victoires du Premier Consul, les campagnes de l’Empereur, l’Autriche, la Prusse, la Russie ployé » à son joug, rien n’y fit. Le guerrier était vaincu à son tour par l’intraitable propriétaire d’un potager de deux hectares. Ceci est bien l’une de ces grandes et terribles leçons dont parle Bossuet qui ne pouvait comprendre que « nous faisons des hommes tout ce que nous voulons », soient-ils les graves soldats d’Augereau, en personne.
Pardonnez ma belliqueuse humeur…
Votre demoiselle Lange,
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