Mon grand chéri,
Vous me faites part de votre ennui lorsque l‘ennemi vous craint et se tient coi. Je veux vous conter la dernière, au sujet du professeur Tastevin, zootechnicien émérite, examinateur aux Écoles vétérinaires, qui aimait à faire montre d’un savoureux humour. L’une de ses « colles » favorites était la suivante.
A quoi, monsieur, reconnaît-on l’âge des gallinacés ? Le candidat interloqué, songeant à une plaisanterie classique, souriait finement et se taisait. Le distingué professeur répétait sa question pour prolonger l’effet et répondait péremptoire :
On reconnaît, monsieur, l’âge des gallinacés à la longueur de leur ergot !
Le savant zootechnicien se serait, paraît-il, livré à de précises mensurations sur l’ergot des coqs, qui croîtrait de six millimètres environ chaque année.
Un jour, cependant, Tastevin, ayant posé la traditionnelle question, resta frappé de stupeur. Un grand garçon élégant et mondain, veston noir, pantalon flottant en pattes d’éléphant sur la chaussure vernie, le regardait droit dans les yeux pour mieux lui répondre sans doute :
On reconnaît l’âge des poules à l’état de leurs dents … ». Le savant professeur en resta là. Ah, vous allez me trouver l’esprit gaulois, cher guerrier, mais vous savez bien pourquoi…
Votre médisante chérie
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