Mon automobiliste chéri,
Vous êtes tombé en panne, mon rapide automobiliste, et vous avez dû faire de la mécanique appliquée. Ne ternissez pas vos mains surtout. Méfiez-vous de ces huiles et de ces graisses dont la hargne noire vient à bout de la meilleure paire de gants. Et si par hasard quelque tache brune s’est égarée sur votre peau diaphane, n’omettez pas de les frotter avec de l’essence de pétrole et de les bien essuyer.
Humectez-les d’huile d’olive, frottez-les à nouveau énergiquement, essuyez-les enfin. Lavez à grand eau et au savon. Quant aux ongles, nettoyez-les avec soin avec un mélange d’un peu de benzine dans de l’alcool. Je sais toutes ces opérations vont vous sembler bien ennuyeuses, peu agréables. Mais qui veut la fin, supporte les moyens. Que de fois lorsque mes doigts fléchissaient les touches pâles de mon grand piano ne m’avez-vous fait vous-même remarqué qu’entre l’ivoire patiné et le noir têtu du mélancolique piano, le rose de ma chair semblait incarner la note qui vous allait au cœur. J’ai toujours pris grand soin de mes mains…
Et si comme le prétendent nos naturalistes de l’école transformiste, la main de l’homme n’est qu’une modification de la portion terminale de la nageoire pectorale des poissons, il me paraît bien difficile sans son aide d’atteindre aux vraies profondeurs de la nature.
Votre anatomiste
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