Vous avez beau dire, l’héroïsme d’amour ne le cède en rien à tous vos héroïsmes. Camille Flammarion a écrit des livres d’astronomie poétique qui lui ont valu bien des suffrages féminins et qui firent qu’une délicieuse comtesse, d’origine étrangère, s’enflamma à la lecture des mœurs échevelées des comètes que conte si bien notre savant. Elle rêvait de connaître un homme si romanesque et y parvint, car elle était poitrinaire et fit en sorte que son mari, beaucoup plus âgé qu’elle, lui passe la fantaisie d’inviter l’astronome dans leur beau château du Jura. Flammarion vint, parla, rêva, s’entretint avec elle d’une mort prochaine qu’elle évoquait sans tristesse en assurant sa foi dans la vie des mondes. L’année passa ; l’astronome avait oublié son amie d’un jour. Un soir qu’il était absent, Madame Flammarion reçut un petit paquet accompagné d’une lettre encadrée de noir. Le paquet contenait une peau blanche, épaisse, froide au toucher. La lettre venait du médecin de la comtesse, qui précisait :
« J’accomplis le vœu d’une femme qui s’était prise d’amour pour vous en secret. Elle m’a fait jurer de vous porter le lendemain de sa mort, la peau de ses belles épaules que vous admiriez si fort le soir des adieux. Son désir est que vous en fassiez relier un de vos beaux livres. »
Le vœu de la petite comtesse fut exaucé. C’est ainsi que Terre et Ciel fut relié… Je ne suis pas sûre, voyez-vous, que les comètes portent toujours malheur et, en cela, partage l’opinion de Bayle, votre voisin du Carla.
Votre étoile du soir
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