Septembre
Ma belle infirmière,
Vous me demandez de prendre bien soin de moi dans le courant des nuits qui commencent à fraîchir. Soyez rassurée, j’ai fait ajouter une couverture à la literie de campagne. J’accorde par ailleurs le plus grand intérêt aux soins corporels. Je revois votre sourire amusé devant le tableau d’Eugène Chaperon La Douche et j’entends encore votre voix mélodieuse moduler l’insidieuse question : « Est-ce ainsi que ça se passe dans les casernements ? » Dans les casernements, peut-être ; ici, en campagne, chacun organise ses ablutions au mieux de ses possibilités. Les pompes sont toujours très entourées par les hommes, la lessive est faite de temps à autre, la barbe peu souvent. Chaperon en serait réduit à représenter au bain une troupe de faunes étrangement barbus. Retour aux sources de classicisme.
Votre Sylvain,
P.S. Vos chiffres sur la mortalité des malades - au cours des mois de janvier et février 1908 – qui aurait atteint 40% m’ont fait quelque peu sourire. Outre que nous ne sommes qu’au mois de septembre et plus sous le régime de la Loi de deux ans mais sous celle de trois ans, cette proportion, renseignements pris, est tombée à 39% au cours des mois correspondants de cette année ce qui fait que l’avantage, si cela peut s’appeler ainsi, reste donc à celle des deux années où l’effectif sous les drapeaux était le plus fort. De toute façon, nous sommes tous en excellente santé, y compris ceux d’en face.
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