Mon Paladin,
La campagne est triste. Je suis allée hier dimanche au sermon. Ah ! ça n’était pas un, “ rossignol de Dieu ” qui emportait l’adhésion des fidèles ! Le débit du brave homme était bien précipité ; les mots se pressaient à ses lèvres de crainte d’être oubliés ; l’harmonium maladroitement tenu nasillait un peu et le plateau de la quête, - pas des mieux astiqués - avait l’air bien nu, entre les gros sous rares. J’ai versé mon obole et la vôtre. J’ai été émue, lorsqu’à la fin du service, le vieil officiant a entonné d’une voix mal assurée :
— Sauvez, sauvez la France au nom du Sacré-Cœur ! Et j’en ai repris le « refrain » (est-ce comme ça qu’on dit ?).
A la sortie de la messe, le saint homme a bien voulu me confier ses difficultés. Tout semble à l’ordinaire dans le pays. Les prêtres qui restent assurant, en effet, autant que possible le service religieux, dans les paroisses vacantes. Il a été décidé qu’on réserverait dans une caisse commune le casuel fait pendant l’absence des chargés de paroisse pour le distribuer à la rentrée : peu de choses, évidemment, mais témoignage d’une bonne confraternité. Les familles démembrées par la mobilisation ne suffisent plus à la récolte des blés ou des foins. Ceux qui sont partis écrivent des quatre coins de France. On leur écrit aussi, mais les lettres n’arrivent aux destinataires qu’après quatre, six ou même huit jours. Le vieux prêtre m’a souhaité bon courage et a ajouté
— Que Dieu protège la France.
Je vous assure, j’étais émue.
Etrangement vôtre
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