Ma Dame,
Oui, c’en est peut-être bien fini de la guerre en musique et à pleins drapeaux et ce ne sera pas l’un de nos moindres mérites que d’avoir su nous résigner au sacrifice du panache et de la couleur et à ce pittoresque éblouissant qui jadis embaumait la guerre. Je sais bien que les dames des chevaliers traînaient elles-mêmes les seaux d’eau chaude dans lesquels elles lavaient les plaies de leur champion. Mais le luth effaçait la lutte. La couleur s’est maintenant réfugiée sur les gants blancs de nos St-Cyriens qui la portent à pleines mains au baptême du feu : des gants de cérémonie, frais inoffensifs que l’on met pour danser, pour parler aux femmes, pour leur saisir la main ou la taille ou leur offrir une fleur. Ces gants qui ont ployé bien des lys dans nos bals de sous-préfecture, ces gants d’une blancheur d’ordonnance, nos jeunes officiers auraient tant aimé les garder pour mieux rallier leurs hommes à l’instant de l’hésitation et peut-être parce que le sang, si d’aventure on est blessé – saute plus vite au regard sur du blanc comme autrefois il étoilait de pourpre éclatée les mollets soyeux des petits-maîtres de l’ancien Régime.
Maintenant, sans un mot, le cavalier se démonte et poursuit la lutte à pied ; le fantassin stationne et se prive pour de longs jours de ses entraînantes chansons de route; l’aviateur, s’il en était besoin, descendrait à la mine et le porion grimperait aux nuages. Oui, c’en est peut-être bien fini de la guerre en musique et à pleins drapeaux…
Votre troubadour mélancolique
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