Mon beau Centaure,
Où est donc votre grand cœur, qu’avez-vous fait de votre pitié à l’endroit de nos frères inférieurs ?
Vous vous emportez si ces malheureux y étaient pour quelque chose. L’impératrice Taïtou a bien régné vingt ans sur Ménélik et l’Abyssinie, tout en circulant sur un splendide mulet – précautionneusement il est vrai - au rythme d’un amble modéré. Vous rétorquerez, mon grand méchant, que son équilibre était assuré par les têtes, les mains, les épaules d’une armada d’esclaves noirs qui soutenaient de tous côtés l’énorme paquet de voiles blancs, tout ce qu’on voyait de son impériale personne. Ne me dites surtout pas, mon cher colonel, que vous avez oublié Ménélik qui se laissait offrir de magnifiques cadeaux par l’un de nos plénipotentiaires : boîte à musique, petit canon, fusil de chasse. Vous vous rappelez comment l’intéressé amusé contemplait le déballage qui lui était destiné tandis que dans les jardins allaient majestueusement des lions ; vous vous rappelez aussi comment il emmena ensuite son hôte dans un coin du palais devant son parc d’artillerie et la série complète de nos « Lefaucheux » dont vous m’avez dit si grand bien. Je sais bien que Ménélik s’est marié cinq fois.
Entre nous, cet homme vaut bien les vôtres, mon gentil colonel.
Votre amazone
|