Assis dans la lumière du soleil d’hiver qui dore les Orangeries et la statue de Jules Janssen, le Pr. Ellipson pense avec un émerveillement feint aux récentes noces de son collègue astrophysicien en poste à Joddrell Bank qui, en dépit de ses soixante-treize ans et dans le souvenir des mensurations de Monroe, défie plus que jamais les lois de la pesanteur, G. compris. Le collègue a bien de la chance, estime le Pr. Ellipson, car ce bienheureux envisage un voyage de noces sur Proxima Centauri (à 23 millions de millions de milles, en gros, de notre planète, sans compter le retour) mais nous nous trouvons déjà, il est vrai , sur les franges de cette voie lactée chère à Wordsworth et, partant , aux résidents du Collège St John à Cambridge. Le Pr. Ellipson en a ras les rétines de ce soleil qu’il photographie chaque jour que Dieu fait depuis cinquante ans, soleil que Pascal prétend, à la suite du curé de Meudon, qu’on ne peut le regarder en face. Pas autre chose, au fond, que ce que Hoquinge murmure à sa Nounou les soirs de pleine lune quand la rosée humecte les Backs jusqu’aux lisières du Pont des Soupirs.
Univers en expansion, univers stationnaire, univers en rétraction (Achtung ! Achtung ! Andromède fonce vers la planète Terre !), densité de la matière du cosmos, quasars, pulsars, quarks, neutrons, protons, amas de la Vierge, Laplace, Lemaître, Friedmann, constante de Hubble, Vaucouleurs (et Sandage qui redouble la mise), Pierce, Freedman et Nial Tamvir qui remettent l’ouvrage sur le métier, Hoyle, Bondi, Gold qui ricanent, Penzias et Wilson qui sortent le rayonnement à 3 K de leur abécédaire, trace soi-disant fossile du Big Bang tandis que l’opposition emmenée par Harp, Narlikar, Burbridge et… Hoyle revient à l’assaut… Le professeur Ellipson n’en croit plus ni ses yeux ni ses oreilles, le Professeur Ellipson pense au prochain voyage de noces du savant Hoquinge qui, vraiment, en ces temps d’austérité, aurait pu se contenter de quelque tache solaire à quelques huit minutes-lumière de l’Observatoire de Meudon telle que lui, Ellipson, l’avait repérée sur un cliché-photo de qualité et qu’il lui aurait volontiers et très gracieusement communiqué ; il se revoit au Congrès du Vatican de 1981 animé par les Jésuites, congrès que Hoquinge avait honoré de sa présence, entré par la porte Santa Anna après s’être faufilé par la porte Angelica, pour mieux écouter incognito les propos du Saint-Père, assisté de l’Evêque du Béguin, mettant en exergue une théorie cousue de fils blancs, dite la "théorie des shaddocks" , selon laquelle les choses ont une longueur mais pas d’autres dimensions.
Le Professeur Ellipson se remémore qu’il a, lors de ce Congrès, croisé Belle qui ne doutait pas de l’existence des "particules instables" même s’il affirmait que la rotation de ces particules n’est jamais complète et qu’un coup de dés ne saurait abolir le Hasard (ni la Nécessité, d’ailleurs, à en croire ce Savant qui voulait priver la Planète Mars de ses ressources en liquide et décrocha un Nobel pour cette déshydratation des canaux de la Planète Rouge). Le professeur Ellipson était, lui-même, allé jusqu’à nier l’existence du "neutrino" inventé par Pauli le désespéré, à l’époque du Charleston, principe de Lavoisier à l’appui, puisqu’il s’était retrouvé devant un unique et solitaire "anti-neutrino" squattant une famille de "lepton tau" à proximité du "quart charmé" et cela après utilisation de réacteurs, susceptibles, disait-on, de piéger ces particules fantômes produites à foison dans l’Univers un et indivisible, illusion de Laplace aidant.
Le professeur Ellipson, jambes étirées dans le faible soleil d’hiver (entre 1780 Me V et 1860 Me V) essaie de faire le vide dans son esprit avec une pensée émue pour le matheux Mangebroute, tout en souriant à l’histoire que leur contait leur professeur de Taupe pour mieux démontrer que les maths ne sauraient en aucun cas maîtriser les nombres infinis (ô J-C.Y., ô LP 2 !), pas plus d’ailleurs que ces parties de dés au bistrot du coin ! (ô Einstein !) : la scène se passe à l’université de Provence, salle Escartefigue :
Q. : Dis, Marius, qu’est-ce que c’est pour toi 500 ans ?
R. : C’est 5 minutes !
Q. : Dis, Marius, qu’est-ce que c’est pour toi 500 francs ?
R . : C’est cinq sous !
Q. :Dis, Marius, prête-moi cinq sous !
R. : Oui, mais attends cinq minutes !…
Relativité
- Nous, dit Monsieur Brun, on a des trains de Paris à Lyon qui vont tellement vite que…
- Et nous, répond Marius, la dernière fois que j’ai pris le Marseille-Lyon, le chef de gare de Marseille m’a tellement poussé pour me faire entrer dans le wagon que je lui ai retourné une baffe.
- Et qu’est-ce qu’il a dit, le chef de gare de Marseille ?, interroge anxieusement Monsieur Brun.
- Té, rien ! , répond Marius, c’est le chef de gare de Lyon qui a reçu la baffe ."
Le professeur Ellipson qui s’étonne toujours, lors de ces excursions dans le passé antérieur, que le mémoire puisse opérer en arrière, même après cinq cents tours du soleil (tout en se remémorant les prophétiques déclarations du professeur Hoquinge : "la meilleur preuve que le voyage dans le temps ne sera jamais possible est que nous n’avons pas été envahis par des hordes de touristes venant du futur" , laissant ainsi supposer qu’il existerait un "futur" dans l’espace-temps ?) et qui sait bien – puisque les "singularités" de Penrose refusent tout recours à l’âme – que les Calibans et les Bonobos ne taperont jamais sur leurs ordinateurs le Sonnet XXXIX du Factotum du Globe ou les Principia Matematica du Jean-Fesse Newton et qui sent que l’heure tourne sur sa montre à quartz, fouille brusquement dans ses poches en quête de ses tickets de cantine et n’en extrait que les cartes de survie de la MGEN qui lui rappellent aussitôt que, demain , il doit faire une vidange au garage du coin et se pointer chez son dentiste (ô Pascal !) à onze heures tapantes (G.M.T.).
Claude d’Esplas (Les Merlufleaux)
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