Voir aussi : SHAKESPEARE WILLIAM (1564-1616)
Du Professeur O’Groats (Paris-Sorbonne) : "Je suppose que vous ne vous embarquerez pas non plus dans les faux problèmes de la géographie, de la toponymie. Savez-vous que la Bohème veut dire Pays de Bohémond, c’est-à-dire les Pouilles, Naples et la Calabre ? Evidemment ne croyez pas que je déploie ma science : l’édition bilingue de chez Aubier doit donner tous ces renseignements, ou n’importe quelle autre édition. D’ailleurs, mises à part certaines choses qui peuvent gêner nos goûts corsetés par Molière et Cie, c’est une pièce délicieuse, non ?
Two lads that thought there was no more behind
But such a day to-morrow as to-day
And to be boy eternal. Quel rythme !
ou bien
Adieu, my lord :
I never wish’d to see you sorry ; now
I trust I shall. Tout est dit , et de quelle façon !
Vous n’êtes pas de mon avis ?, c’est de la pure musique ; l’histoire ne compte pas – ou si peu ? Mais alors, pur symbole ou féerie qu’il faut lire en filigrane, comme l’on suit de la musique ? Il va bien se trouver quelque imbécile d’étudiante pour aller chercher querelle à Shakespeare, là où il n’y a rien à faire et à trouver que ce n’est point vraisemblable ou qu’il n’est pas assez naturaliste !
Mais êtes-vous Shakespearien ?"
- Antonio :
Je n’attache au monde que l’importance qu’il mérite, Gratiano. C’est un théâtre où chacun doit jouer son rôle, le mien est d’être triste.
- Gratiano :
Qu’on me distribue donc celui du fou ! Le Marchand de Venise (William Shakespeare)
Le monde entier est un théâtre
A la radio, une voix grave chante : "J’enseigne au 32 rue de la République…". Mais qui ne gagne pas sa vie avec "les petits merdeux" ? Le Nain rouge ou le Train vert des Beaux Quartiers, les écoles et les stations de sports d’hiver, les dancings et boîtes de nuit, les restaurants et cantines gastronomiques, les transports tire-fesses de ces messieurs-dames entuniqués par Cardin/Dior (ou les autres pour ne pas faire de jaloux), c’est toujours comme du temps d’Élisabeth, c’est toujours du pareil au même : d’abord le fœtus circulaire rond comme la tomate de Carpentras, tourneboulé, virevolté dans la machine à laver de l’accorte planète ; puis l’enfançon hurlant et réveillant les voisins aux heures indues où les lits crissent dans la maison alors que la gardienne croit qu’on lui demande le cordon ; puis l’écolier qui fonce vers son école sur son solex calaminé, sexe mou, yeux enfiévrés tel le crustacé affolé sur la plage découverte par la marée en fuite ; puis l’amoureux serré dans ses jeans et gratouillant une guitare asthmatique pour les oreilles du CSA et aux lèvres de sa maîtresse minijupée, tétons gainés dans des moitiés de pois chiche et qui invoque sans cesse les raisons du tablier ; puis l’étudiant contestataire qui galope vers la Sorbonne, le visage éclairé de néon et les pensées de Mao sous l’aisselle avant de retrouver sa mondaine dulcinée dans les rallyes des salons de l’avenue Foch ; puis le soldat sevré derrière les barreaux de quelque militaire école, prompt et ardent à la dégaine, cherchant cette bulle, la gloire, jusqu’à l’arrière des mouflons avant de coincer la bulle dans quelque particule d’un généalogique accélérateur ; puis le juge, les doigts arrimés au rude Code légué par les sévères Romains, bourré d’antiques sentences qu’il ressasse à l’oreille de quelque naufragé de l’âge dont la vue presque éteinte fait le point sur les étoiles de ses manches qu’il prend pour les limites de notre univers ; puis le Fierabras sans ouïe, sans pif et sans quenottes qu’une insolente nurse pousse, au fond de sa roulante, vers quelque trou noir dont il ne reviendra pas…
Ainsi, du souci de vedettariat à celui de squelettariat, l’homme tient-il son rôle et dégotte un César.
Claude d’Esplas (Les Merlufleaux)
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