N’est-il que fêtes publiques : j’en sais de retirées aussi… (Mallarmé)
Voir aussi : à Stéphane Mallarmé, qui fut professeur au Lycée Papa, au Lycée Papi… - Concours Général - (Centenaire du Lycée Papi, 1984)
Mallarmé, qui a débuté dans l’enregistrement, à la ville de Sens (premier pas dans l’abrutissement) avant de professer l’anglais (mal, selon les "mouchards" de service qui l’envient, peut être, d’avoir donné une conférence à Oxford), croit que la vraie vie est tapie dans l’alchimie des mots et souhaiterait peindre non la chose mais l’effet qu’elle produit. Issu d’une lignée de fonctionnaires, il rejette la bureaucratie et le catholicisme. Il avait 5 ans à la mort de sa mère. A 21 ans, il épouse Marie Gerhart, gouvernante allemande, qui le conduira plus tard à la demi-mondaine Anne Rose Suzanne Louviot dite Méry Laurent et modèle de Manet. Il a une fille et un fils qui disparaît à l’âge de dix ans. Il avait eu une sœur cadette partie à l’âge de treize ans. Il souffre de crises dépressives, la tête sur le marbre de la cheminée, sans penser, traquant dans la glace de Venise l’envahissement de la bêtise, en quête d’une explication orphique de la Terre qu’il résumerait dans Le Livre, une autre Bible selon lui, et pleurant finalement d’impuissance sur le vierge papier que sa blancheur défend.
Son père s’est remarié, a fondé une autre famille. Frappé d’accès de mélancolie presque aussi vigoureux que ceux de Jaques, de Timon ou d’Alceste, car en creusant le vers il n’a rencontré que le Néant au cœur même du langage (à défaut de Derrida, Genette, Barthes ou J.-P. Sartre ?), alors qu’il semble de nos jours, et très étrangement, anticiper les méthodologies critiques en mal d’analyse, en sus des thèses d’académico-scalpéliques en mal de dissection (ô Pr. Mondor !). Il n’était pas de la Bohème ; ses Mimis à lui s’appelaient Méry, Berthe, Julie et Lilith, et ses Rodolphe : Manet, Monet, etc… A la suite du grand Baudelaire, il aura, dans l’affaire Wagner, une décisive influence, lui qui collabore avec Verlaine à la Revue Wagnérienne et qui acclame la noble attitude des Nerval, Banville, Villiers de l’Isle-Adam, Catulle Mendès et Judith Gautier (ces derniers rentrant de Triebschen) et qui parle de l’Opéra Garnier qu’on devait inaugurer le 5 janvier 1875 et qui insiste pour qu’un compositeur français soit affiché en cette occasion, ou, à défaut, le Tannhäuser pour le venger de l’outrage causé jadis, au nom de la France, par les Jockeys de paddock, sinon par la Julia Kristeva de service : "L’intérêt de la pensée antinormative pour la gestualité est d’autant plus grand qu’elle permet de s’évader de la réalité logocentrique…" (Demandez le Programme ! ô Sollers !).
A la manière du compositeur de Tristan und Isolde, lui-même n’entrelace-t-il pas les choses et les sentiments de la vie en une petite synthèse du vers et de la prose par de subtiles et infinies transitions : critique de peinture (Villa des Arts, près l’avenue de Clichy, peint Monsieur Renoir, qui, devant une épaule nue, broie autre chose que du noir), critique littéraire (il méprise les seigneurs à tant la ligne à qui il préfère Aubanel ou Frédéric Mistral, Mirèio ), critique musical (il suit les concerts Pasdeloup, et les concerts Lamoureux), critique ferroviaire (la gare Saint-Lazare est la plus spirituelle et la plus parisienne de toutes avec ses Trains de Tempêtes ou ses départs pour Londres via Dieppe et Newhaven), critique vestimentaire, il fréquente Le Bon Marché et ses corsets, lui qui n’hésitait pas à revêtir les costumes des bergers d’Honoré d’Urfé, au cœur de la Limagne, pour plaire à Méry Laurent – Ange plus ou moins Bleu – et au grand dépit de Geneviève, la fille du poète (Fi, c’est pas beau !), critique gastronomique (il signe Chef de Bouche de chez Brégant), critique de tapisserie-décoration (en souvenir de Monsieur Poquelin, Père ?), menus travaux d’aiguille qui l’aidèrent ainsi à acquérir un canot à voile sur les eaux de Valvins, peu comparable bien sûr à la Thétis du Capitaine Daland, mais il fallait bien alimenter les fourneaux du Grand Œuvre.
Il ne connut jamais la pauvreté, il ne vécut pas dans une mansarde, il ne buvait pas d’absinthe . Dans les lycées de Province, comme dans les lycées de Paris, il ne fut pas aimé de ses élèves, à peine toléré par les autorités de tutelle et ses Mirotons-Navets (on sait les réserves du proviseur du Lycée Fontanes en 1876, magistralement reprises en écho par l’académicien Goncourt Billy the Sneak, ô risée!) : "un peu moins de courtoisie, d’aménité, de protection, l’eût fait révoquer ou affecter à cent lieues de la capitale".) Il passait tous ses étés à Vulaines, près de Fontainebleau, faisant du canot (son lourd canot) sur cette même Seine qui sustente toujours la pénichamarrée du roi de la Pastiche au Quai des Zabiverts, (ô Dutour !) et relisant son cher Edgar Allan Poe en leur commune chevauchée vers l’Eldorado.
Rue de Rome, pas très loin de Condorcet, où il avait été nommé en 1871, il donnait des Mardis qui devinrent célèbres : y venaient Renoir, Manet, Whistler, Verlaine, Wilde, Valéry, Gide, Berthe Morisot et d’autres.
Combien de temps faudra-t il à la nature pour produire un autre cerveau comme celui-là ?", soupirait Auguste Rodin aux funérailles de Mallarmé.
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