1968
Lundi 8 janvier - Madame Ladouce, la trentaine cossue et à qui un eunuque ne saurait procurer satisfaction, manteau de panthère et œil rond, parlant de son époux rédacteur travaillant dans une maison de productions et subissant un traitement au cobalt pour ganglions lymphatiques : " il a eu mal au cul tout hier ! "
La même Madame Ladouce me prête un jour un stylo offert à elle par son père et que je propose aussitôt de lui rendre. " Contre quoi ? ", me lance-t-elle goulûment en me fixant droit dans les pupilles. Je reste ... coi.
Vendredi 22 mars - Mme Ladouce se pointe, les cheveux coupés à la garçonne. Ragotin, correcteur de "capesse" et qui vient se gonflant comme un dindon, la suit à la trace, veston ouvert tel un roquet derrière une fanfare.
Oscar Pinelos, en Terminale Economique, agite ses boucles de hippy pendant que son père boucle les hippies à Esquirol : je trace le portrait de l'héroïne vue par Hemingway.
Le fils du député Mitoyen vient me trouver pour prendre des leçons particulières qui lui permettraient d'écrire convenablement l'anglais d'ici 15 jours, date de l'examen.
En Terminale A, vive agitation après le cours de gymnastique. Véronique, au premier rang, entrouvre et referme les cuisses sur la tache blanche d'une intimité bcbg.
Bonamour, fils de morticole, débarque un jour dans la classe de Première de Mme Ladouce, saoul comme un doublard cayennais, débordant de tafia : Tristes Tropiques, disait le père d'un autre de ses élèves, ancien du lycée Papi.
Lors du dernier conseil de classe de 11 h 20, Cheucheu laisse entendre qu'il eût aimé être archéologue : " du temps où ch'étais à Tashkent ", commence-t-il avec la coquetterie de langue qui le caractérise.
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